Il existe une confusion fréquente sur les sentiments.
Parfois, en croyant parler au « Je », nous employons des mots considérés couramment comme des sentiments tels que « Je me sens étouffé.e, agressé.e, manipulé.e, rejeté.e ».
Or, ces mots sont tintés de jugements et d’interprétations sur l’autre. Il est sous-entendu : « Tu es un agresseur, un manipulateur, tu m’étouffes, tu me rejettes ».
En bas de la page, je vous propose une liste de quelques mots qui représentent des évaluations masquées.
Les évaluations masquées sont souvent utilisées lorsque nous cherchons à exprimer nos sentiments.
Au lieu de parler de ce que nous ressentons, ces mots expriment implicitement :
Ce que nous pensons que les autres nous font,
par exemple : abandonné.e, humilié.e.
Nos jugements sur nous-même, ce que nous pensons être,
par exemple : nul.le.
Ou les jugements que nous imaginons que les autres portent sur nous,
par exemple : incompétent.e.
Repérer les évaluations masquées
En utilisant des expressions telles que « je sens que tu ... », « j’ai le sentiment que ... », nous faisons intervenir la notion de l’autre. Nous interprétons le geste ou la parole de l’autre. Il s’agit de notre opinion.
Quand nous cherchons à identifier nos sentiments, il est intéressant de nous poser la question sur leur impact dans la relation. Quand nous utilisons ces mots, est-ce que cela génère de l’ouverture dans la relation ? Ou de la fermeture et de la défensive ?
Les « faux sentiments » (ou évaluations masquées) qui impliquent l‘autre personne, véhiculent le message : « Tu es la cause de mon émotion ».
Ces expressions expriment une pensée (ce que je crois ou ce que je crains). Elles nous coupent de nous-même, et de l’autre.
A contrario, les sentiments sont notre petite boussole intérieure, des indicateurs de ce qui se passent en nous.
Distinguer ce que nous ressentons de notre interprétation des réactions ou comportements des autres à notre égard
La conscience de la distinction entre les sentiments et les évaluations masquées me permet de vérifier si ce que je me dis ou ce que j’exprime est en rapport à mon propre état.
Par exemple, dans la situation où un enfant me dirait « Tu es énervante maman ! ». Au lieu de lui répondre : « Arrête de me critiquer, je suis blessée car tu me parles mal », je pourrais prendre un temps (éclair !) et me dire qu’entendre ça me décourage car ce n’est pas ce que j’avais envie de partager avec mon enfant. Je vais peut-être aussi ressentir de la tristesse que j’accueillerais. Ensuite, je pourrais soit réexpliquer mon intention à mon enfant, soit vérifier comment lui aussi se sent.
Cette conscience nous permet de continuer notre cheminement vers nous-même, en sortant de la position de victime. Plus notre langage sera libéré de la dépendance à l’autre, de ce qu’il fait ou que nous attendons qu’il fasse, plus nous aurons l’occasion de nous prendre en main.
Distinguer ce que nous ressentons de ce que nous pensons être
Si nous prenons l’exemple de ce que nous pouvons nous dire : « Je sens qu’il ne m’aime pas… ». Ici, cela exprime ce que je pense, ce que j’interprète, plutôt que ce que je ressens réellement.
Il en est de même dans les expressions comme « Je me sens nul.e », « Je me sens incapable », « Je me sens bête ». Elles expriment des jugements que je me dis sur moi.
En mélangeant nos ressentis avec nos pensées, nous diminuons nos capacités à prendre soin de nous.
Quand une évaluation masquée est repérée
Les évaluations masquées portent en elles une forte manifestation émotionnelle, en lien avec la satisfaction ou la non satisfaction de nos besoins.
Pour travailler dans une dynamique de transformation intérieure nous avons besoin d’être en lien avec des sentiments « purs » au sens d’épurés, comme peut le faire un chercheur d’or qui passe la terre brute au tamis, pour en extraire les pépites.
« Être capable d'entrer dans la profondeur de l'authenticité de ce que j'appellerais un ressenti pur et des besoins purs, c'est-à-dire sans les mélanger avec une histoire ou une pensée qui évalue, ce niveau d'authenticité est une expression de l'être. » - Robert Gonzales
Pour arriver à cette finalité, à ce matériau raffiné, nous avons besoin de passer par différentes étapes.
La première étape est l’accueil de l’évaluation masquée et prenant le temps de lui faire de la place et d’accepter ce mot qui est venu à ma conscience.
La deuxième étape est de ne pas la bannir, mais la traduire. Une fois que nous avons repéré notre pensée comme étant une évaluation, nous pouvons nous poser la question : « Qu’est-ce que j’éprouve quand… ? ».
Par exemple : qu’est-ce que j’éprouve quand je me dis : « Je me sens ignorée » ?
– Est ce que je suis peinée parce que j’aime quand il y a une connexion avec mes ami.es?
– Est-ce que je me sens démunie pour aller vers ce groupe quand j’ai besoin de soutien ?
Qu’est-ce que j’éprouve quand je dis que « Je me sens nulle en piano » ?
– Est-ce que je suis déçue quand j’entends la mélodie que je joue ?
– Est-ce que je me sens dépitée quand je vois le temps que ça me prend d’apprendre un morceau ?
– Est-ce que je suis impatiente de progresser ?
En clair, dépasser l'évaluation masquée permet d'identifier le sentiment qui se cache derrière.
Et une fois que nous avons rencontré nos sentiments derrière nos pensées, nous pouvons davantage aller connecter les besoins profonds qui nous animent. Et des solutions peuvent émerger pour nous rendre la vie plus agréable.
Et avec les enfants ?
La connaissance de soi est véritablement un enjeu de la relation. Acquérir un vocabulaire approprié et l’utiliser devant les enfants peut être une bonne transmission de la connaissance d’eux-mêmes.
Et lorsque nous écoutons un enfant et qu’il utilise une évaluation masquée, le parent peut proposer un sentiment dans sa reformulation.
« Ma copine est méchante, elle m’a attaquée exprès et m’a fait mal en lançant sa gomme » « Ah, tu as été surprise et maintenant tu es en colère, c’est ça ? » L’enfant va ensuite pouvoir développer sur ses sentiments et notamment parler de sa douleur physique s’il y en a eu une.
Le vocabulaire
Pourquoi, en communication non violente, nous choissons de les appeler « évaluations masquées » ? Car il s'agit de mots ou expressions qui sont des pensées imprégnées de jugements (évaluations) qui se cachent sous un costume de sentiment.
Dans un autre article, je parle de l’importance d’acquérir un vocabulaire précis des sentiments.
Ci-dessous, je vous propose une liste de mots qui pourraient représenter les évaluations masquées, réalisée par l’illustratrice Apprentie Girafe.
Aurélie
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